J’étais déjà conquise par Boriiiiiiis avant d’avoir la grande chance de suivre la formation de l’Institut de la Petite Enfance dont il est président. Ma mère a eu cette bonne influence sur moi, elle « a lu tous ses livres » et « aime beaucoup cet homme ». En plus, elle vous dit ça d’un air grave, qui ne laisse d’autre choix que de se ranger à son avis.
Vendredi 12 juin 2015. Rencontre. En direct. Boris Cyrulnik vient nous délivrer plus qu’une bonne parole, une belle parole. Jean-Pierre Pourtois, intervenu deux mois plus tôt, nous l’avait désigné comme le « meilleur pédagogue » de France ou du XXIème siècle…ou peut-être même de l’Univers, je ne sais plus. Trêve d’idolâtrie, qu’est-il venu nous dire, à nous parterre conquis de professionnels de la petite enfance?

COMMENT DEVENIR UN ENFANT ? Belle question introductive! Si cela avait été « comment devenir un adulte », je n’aurais pas été pressée d’entendre la réponse.
Tout d’abord, qu’est-ce qui fait l’être humain, cet animal particulier que nous sommes ? Ce sont nos gènes, certes et ils sont susceptibles de porter 7000 maladies alors mieux vaut être chanceux à la loterie. Mais ce qui fait de nous ce que nous sommes c’est surtout tout le reste, c’est à dire une constellation de déterminants qui composent notre environnement et les interactions que nous avons avec lui. En ce sens, la question de l’inné et de l’acquis est un non-sens biologique. C’est réjouissant, car cela veut dire que si l’on prend le pouvoir de façonner un bel environnement, nos bébés pourront bien pousser. Et c’est effrayant car c’est le monde dans lequel on accueille nos enfants qui les façonne, lourde responsabilité familiale et collective.
Lorsque Boris Cyrulnik parle de cet univers dans lequel le bébé arrive et se développe, il emploie le joli terme de niche sensorielle et affective.
Pendant neuf mois maman a offert un bain nourricier et protecteur. Elle a filtré les relations de son bébé avec le monde extérieur : les bruits, les goûts, les sensations, les émotions. À présent bébé est né, il n’y a plus d’intermédiaire. Sa maman est là, elle est son premier lien, son repère, sa figure principale d’attachement. « Sa voix est une caresse » et les techniques d’imagerie cérébrale indiquent qu’on peut prendre cette expression au pied de la lettre.
Il y a aussi l’autre parent, la fratrie peut-être, le reste de la famille et les caregivers (donneurs de soins). Ce système familial permet à l’enfant de pouvoir s’appuyer sur plusieurs personnes, créant ainsi des attachements multiples. Comme « il faut tout un village pour élever un enfant », personne ne sera de trop pour contribuer aux ressources sur lesquelles l’enfant pourra compter pour le reste de sa vie. Répondre à ses besoins avec amour et bienveillance, être à son écoute, lui offrir le meilleur de nous-même, cela permet notamment la libération d’opioïdes agréables et bienfaisantes. De là à ce que l’amour soit le meilleur des terreaux et le plus délectable des plaisirs, il n’y a pas loin (cf Dr Michel Odent, L’amour scientifié).
Mais personne n’est parfait et le monde n’est pas idéal. Bébé devra faire avec le bon et le moins bon, le pire et, souhaitons-le, surtout le meilleur. Le petit être se façonnera au travers d’attachements secure, sécurisants et dynamisants. Les circonstances ou l’histoire familiale pourront aussi être source d’attachements insécure et inhibants.
Boris Cyrulnik souligne que « la négligence affective est plus grave que la négligence physique » en terme de répercussions sur le bébé. Elle est sournoise et altère visiblement le cerveau. L’exemple le plus célèbre est celui des bébés d’orphelinats de Roumanie. Leur isolement et l’absence de niche sensorielle et affective leur a été fatale, même en l’absence de maltraitance physiques manifestes. La résilience n’a pas pu opérer chez ces enfants.
La résilience est le phénomène qui permet à l’individu de se construire et de pouvoir vivre malgré l’adversité à laquelle il est confronté. La résilience prend appui sur les ressources constituées dans le jeune âge grâce à des attachements multiples au sein d’une niche affective et sensorielle favorable.
En étant assistante maternelle, je souhaite faire partie des « donneurs de soins » et contribuer à alimenter cette niche affective et sensorielle dans laquelle les bébés vont pouvoir prendre le temps de se développer. L’ontogenèse psychique sera à l’oeuvre jusqu’à l’âge adulte (=développement psychologique d’un être humain). Ce que nous aurons offert au bébé laissera son empreinte sur l’enfant.
Nous avons tous une grande responsabilité envers les bébés, ils se construisent à partir du monde que nous leur proposons. Toutefois, si les circonstances ne sont pas favorables, la bonne nouvelle c’est la plasticité cérébrale et la résilience. Il n’est presque jamais trop tard pour apprendre et évoluer. Il est presque toujours temps de réparer des dégâts causés par l’adversité.
Et par bonheur, il est toujours temps d’être un enfant !
Merci pour ce petit brin de fraicheur. Article fort intéressant qui peut permettre de devenir plus curieux au sujet de ce Monsieur Cyrulnik. 🙂
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