À quel âge êtes-vous entrés à l’école ? Quels souvenirs en avez-vous ? Moi j’y suis allée à deux ans et demi et j’en suis sortie quatre ans plus tard. J’ai donc bénéficié de ce que beaucoup de pays nous envient : notre école maternelle gratuite, la scolarisation précoce à grande échelle pour les petits.
J’en garde plutôt un bon souvenir et en même temps une sensation de « trop tôt », « pas le choix ». Pas le choix parce que mes parents travaillaient tous les deux et même si leur atelier de coiffure était un formidable terrain d’apprentissages en tout genre, j’imagine que ce n’était pas la place d’une petite. Bien que, bien que…c’est sans doute ce bel espace de convivialité qui a contribué à mon entrée rapide dans la richesse du langage. Je me souviens encore des yeux ronds des adultes qui se demandaient si les phrases qu’ils entendaient sortaient vraiment de la bouche de cette mini-pouce. Je les regardais avec des yeux tout aussi ronds…parler qu’est-ce que ça avait de si extraordinaire ?
« Et en plus elle parle bien ! » Le langage m’était venu naturellement, comme c’est le cas pour tous les enfants, pour peu qu’ils se trouvent dans un environnement propice. Le salon de coiffure était un terrain favorable parce que c’est un lieu qui voyait passer beaucoup de personnes, de milieux différents et qui abordaient des sujets variés. Cet espace était suffisamment public pour que chacun veille à s’exprimer correctement et assez intimiste pour que tous les sujets puissent être abordés. J’ai donc appris à parler en écoutant des adultes prendre du plaisir à discuter de tout entre eux − et parfois de rien , ce qui marche aussi. En les voyant prendre du plaisir à papoter entre eux et m’accorder une attention attendrie, j’ai dû avoir envie de vite rejoindre la danse.
L’école maternelle dans tout ça? J’en ai des souvenirs pêle-mêle : la récréation, les copains, la cage à poule, le filet, l’escalade du vieux mur de briques, les genoux écorchés, les cris ; la cantine, les fils dans la soupe aux poireaux, Madame gentille avec des cheveux gris qui dit « faut souffley faut souffley », Madame qui fait peur avec des cheveux noirs qui force les enfants à manger ; la file d’attente pour se faire contrôler la tête par Madame Béatrice (les poux c’est l’ennemi), les échasses, les « plaques » (de Lego premier âge), les adultes qui grondent et qui crient parce qu’il faut se taire (!?), le coin, les mains sur la tête, le dortoir et la sieste obligatoire avec des doudous qui sentent le grenier…des lignes de traits et de ronds dans des cahiers, de la peinture sur chevalet…bref tout un monde.
Mes enfants dans tout ça ? Je ne me suis même pas posé la question d’une autre solution que l’école maternelle le plus tôt possible. C’était forcément la solution idéale : la voie royale et sans facture à honorer à la fin du mois. J’ai croisé les doigts pour que Lucien puis Zoé soient « propres », condition sine qua non pour obtenir un passeport pour la petite école. Au final j’ai davantage espéré avoir une place à l’école maternelle que mûri une réflexion concernant les besoins de mes enfants, ce qui m’aurait peut être menée au même choix.
Aujourd’hui je pense surtout que chaque famille devrait avoir le choix pour son enfant et chaque enfant bénéficier d’un choix qui soit dans son intérêt. Dans le cadre de la Refondation de l’Ecole, l’Etat a souhaité faire de la scolarisation précoce l’une de ses priorités. Ainsi depuis 2013 le nombre de places a augmenté atteignant 97 000 après plusieurs années de raréfaction — 91 000 places en 2012 contre 149 000 en 2008. Gageons que c’est une bonne chose… si nous veillons aussi à respecter les besoins et les rythmes de développement de chaque enfant. Votre enfant est-il prêt à évoluer en grand groupe et à adopter les codes de l’école ? A-t-il encore besoin d’un environnement sur mesure et à sa mesure ? Ouvrez le dialogue et construisez vos solutions avec les autres parents, les professionnels de la petite enfance et les enseignants des toutes petites sections.